La servitude liée aux eaux pluviales et de source

Pour éviter les risques de conflits de voisinage, le Code civil encadre l’écoulement des eaux naturelles. On parle ici de servitude d’eaux pluviales et de source. Cette règle se fonde sur un principe simple : sur un terrain en pente, l’eau ruisselle naturellement vers le bas. En pratique, un terrain en contrebas est tenu de recevoir les eaux qui découlent des terrains plus élevés. Le propriétaire du terrain inférieur n’a pas le droit d’empêcher cet écoulement. Le propriétaire du terrain supérieur ne doit rien faire pour l’aggraver.

Les différentes catégories de servitudes distinguées par le Code civil

Le Code civil identifie trois sortes de servitudes de voisinage.

  • les servitudes imposées par la loi, type servitude de mitoyenneté ou servitude de droit de passage ;
  • les servitudes conventionnelles établies entre les propriétaires d’un fonds dominant et d’un fonds servant (sauf servitudes contraires à l’ordre public) ;
  • les servitudes résultant de la situation naturelle des lieux, type écoulement des eaux pluviales et de source.

Servitude d’eaux pluviales et de source : les principes essentiels

La servitude d’eaux pluviales et de source est encadrée par les articles 640 à 645 du Code civil. Trois grands principes y sont fixés.

  • Tout propriétaire de terrain est tenu de respecter l’écoulement naturel des eaux dérivant de la situation des lieux. Le propriétaire du fonds servant (terrain inférieur) n’a pas le droit d’empêcher l’écoulement naturel des eaux provenant du fonds dominant (terrain supérieur). Le propriétaire du fonds dominant ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds servant.

Servitude d’eaux pluviales : qu’entend-on par eaux naturelles ?

La servitude d’eaux pluviales et de source ne concerne que les eaux “naturelles”. En voici une liste.

  • l’eau de pluie ;
  • l’eau issue de la fonte des neiges ;
  • l’eau issue des débordements des étangs et des marais ;
  • les eaux de source ;
  • les eaux jaillies sur un terrain lors de sondages ou de travaux ;
  • les eaux courantes.

Les eaux altérées par l’activité humaine ne sont pas concernées pas la servitude d’eaux pluviales. Il s’agit notamment des eaux collectées par les caniveaux, des eaux usées et des eaux industrielles. L’eau débordant d’un cours d’eau n’entre également pas dans la liste des servitudes d’eaux pluviales et de source.

Servitude d’eaux pluviales : les obligations réciproques du fonds servant et dominant

La servitude d’eaux pluviales crée des obligations aussi bien pour le propriétaire du fonds servant que pour le propriétaire du fonds dominant. Nous les voyons en détail.

Servitude d’eaux pluviales : les obligations du fonds servant

Une propriété située en aval est tenue de laisser l’eau se déverser selon la pente naturelle du sol lorsqu’elle vient d’un terrain en amont. Ce principe ne s’applique que si l’écoulement de l’eau se produit en dehors de toute intervention humaine. Le propriétaire du terrain servant doit assumer la servitude sans aucune indemnité en échange. Il n’a pas le droit de faire obstacle à l’écoulement naturel. La loi interdit par exemple de construire un barrage ou une digue pour faire refluer l’eau vers le terrain supérieur. Enfreindre ces règles engage la responsabilité délictuelle du propriétaire servant et l’expose au paiement de dommages et intérêts.

Servitude d’eaux pluviales : les obligations du fonds dominant

Le propriétaire du terrain dominant a l’interdiction d’aggraver la servitude pesant sur le fonds servant. Sont considérés comme facteurs d’aggravation les situations suivantes.

  • modification de la disposition naturelle des lieux par l’installation d’un puisard et d’une buse dirigeant les eaux de ruissellement sur la propriété voisine ;
  • collecte des eaux de chéneaux en un seul point ruisselant près du mur de soutènement du terrain voisin ;
  • travaux de remblayage provoquant une inondation du terrain servant.

L’aggravation de la servitude expose le propriétaire dominant à indemniser le préjudice causé.

Aggravation de la servitude d’eaux pluviales : quels recours ?

L’article 641 du Code civil précise que les contestations liées à l’établissement et l’exercice des servitudes sont portées devant le tribunal d’instance du canton. Suivant les conclusions du rapport d’expertise, le juge pourra trancher en faveur du propriétaire servant, si l’aggravation des écoulements résulte du fait du propriétaire dominant (travaux, constructions, aménagement…). Si l’aggravation de la servitude provient de l’érosion naturelle, aucun dédommagement ne sera versé au propriétaire servant. La réparation du préjudice peut prendre les formes suivantes.

  • indemnisation financière ;
  • remise en l’état initial du terrain pour que cesse le trouble anormal du voisinage.

Servitude d’eaux pluviales et servitude d’égout des toits

Les propriétaires d’une construction n’ont pas le droit de verser sur le terrain de leur voisin l’eau de pluie ruisselant de leur toit. Ils doivent faire en sorte qu’elle s’évacue d’abord sur leur propre terrain ou sur le domaine public. On parle ici du cas particulier de la servitude d’égout des toits énoncée dans l’article 681 du Code civil. Dans ce contexte, le toit doit être équipé de gouttières pour la canalisation de l’eau de pluie. Tombées sur le sol de la propriété, les eaux pluviales issues du toit peuvent ensuite s’écouler naturellement vers le terrain voisin. C’est alors l’article 640 du Code Civil qui scelle le sort de cette eau venant du toit.